...Nous nous élancions donc vers l’un, puis l’autre… Refus catégoriques, puis tout d’un coup,...
on nous amène chez une femme parlant le français. Chance ! Avec son mari, elle discute, nous offre une délicieuse baklava et citronnade fraîche. Après consultation entre l’un et l’autre, elle nous propose de nous faire un mot à présenter au maire, qui, à 20 heures passées, est encore en pleine réunion. Déçus de les quitter, nous nous dirigeons vers la mairie à quelques mètres de là.
William fit une dernière tentative sans succès auprès d’un particulier. Je m’empressais de lui dire que, vu la méfiance des gens, les portes s’ouvriraient sans doute plus facilement là où « on » nous conduisait…
La porte de la mairie, grande ouverte, j’embrassais mon petit homme, m’élançais à l’intérieur, confiant cela à Marie… J’essayais de repérer un homme, susceptible d’être le maire, au milieu de cette assemblée, ou plutôt, de cette meute masculine grandement animée !
ci dessus, Paula
Une femme, la secrétaire, fit l’intermédiaire. Infime attente puis un homme sort, nous salut courtoisement. Echange en anglais avec nous, disparition dans son bureau, réapparition, avec ces mots :
« vous dormez à l’hôtel ce soir ». Je répliquai que ce n’était pas dans notre budget. Il affirma alors… Ce n’était pas une question mais une invitation : « c’est la municipalité qui vous offre la nuit, à Chris Paul Hotel ». « O my God ! » répondis-je… Les jambes m’en tombaient…
Mais ce qu’il faut que je vous relate, c’est le préalable caché, dans le cœur de ma prière… où je confiais notre nuit au Seigneur en lui disant, certes avec audace :
« Seigneur, puissions-nous être accueillis comme si c’était Toi qui étais accueilli, sachant que celui qui nous accueillera sera Un Christ, sera béni de Toi… »
Et sur le chemin abrupt nous menant à ce village de Diakopto, d’avoir mémorisé ce nom étrange de « Chris Paul Hôtel », (auquel j’aurais volontiers ajouté un « T ») alors qu’il apparaissait en grands caractères… Nous nous rendions donc à l’hôtel, « sous le choc » de la grâce inouïe de Dieu, après nous être jetés au cou l’un de l’autre.
Nous arrivions à un endroit charmant et calme, accueillis par Paula… Le maire vint nous saluer deux heures plus tard. Après un bel échange avec Paula, elle nous souhaita une bonne nuit, nous garantissant un petit déjeuner de sportif !
C’est là que l’effet « boule de neige » du Bon Dieu (même en été, et en Grèce, cela arrive… si, si !) se produisit : la réceptionniste nous demanda si nous voulions rester un jour de plus ou partir !
Paula nous offrit de prolonger notre « nuit-séjour » dans son hôtel !!! Plaisir de vaquer alors aux occupations les plus diverses, dans son « apparat » le plus simple (lessive, raccommodage, course, mise à jour de notre blog…) au plus somptueux (quelques brasses dans une piscine - à nous tout seuls - au pied d’une montagne).
En tout cas, nous ne nous remettions pas de ce qui nous arrivait ! Seigneur, tu nous combles… Aucun mot n’est à la hauteur de Tes bienfaits !… Sois béni pour tout cela, pour ceux qui sont sur notre route, et pour tous ceux, restés dans notre cœur, vous tous !!
C’est donc ravigotés de cette gratuité et générosité des cœurs, que nous reprenions notre vélo, entre montagne et cigales, à notre droite, mer et mouettes, à quelques mètres en contrebas. Nos coups de pédale, en plus de notre méditation, étaient orchestrés par la symphonie des vagues déferlantes. Ravissement des yeux, contemplation de la beauté du Créateur, le tout dans le souffle d’un vent de dos qui nous donnait une vive cadence !
L’accueil grec avait une toute autre dimension… Nous avions beau exprimer le désir de rentrer en contact avec eux, nul effet positif jusqu’à ce jour. Méfiance ? Indifférence ? Les gens nous renvoyaient au maire, qui apparemment avait une formule « caritas » pour les personnes de passage. Quoiqu’il en soit, ce vendredi soir, la mairie fermée, nous tombions sur le chef cuisinier d’un restaurant en bordure de mer qui nous suggéra de dormir sur la plage la nuit, nous assurant toute sécurité.
Notre régime « sandwich » avait ses limites et comme il nous invita à boire un café avec lui avant de prendre son service, nous nous y offrions notre premier restaurant grec, avant un petit plongeon de nuit !
Notre sommeil ne fut pas des plus paisibles. Alors que nous nous étions installés à l’abri d’un cabanon, une voiture s’arrêta, un gardien en sortit et nous somma de quitter le lieu où il était vraisemblablement interdit de dormir. Nous implorions sa pitié car, en pleine nuit, nulle envie de nous déloger ! Promesse de partir au soleil levant… où nous profitions de cet endroit pour une trempette ravigotante avant de continuer la route.
Route quelque peu déconcertante, oppressante même parfois. Que se tramait-il derrière les volets fermés de toutes les maisons ? Les villages semblaient fantômes, entre midi et… 18h00, « hantés » par la seule présence de quelques chiens bien souvent errants… Nous savourions d’autant plus la joie de pédaler à deux !! Comment vivent les Grecs ? Comment les rencontrer « de l’intérieur » ? Difficile mission apparemment…
Nos aventures étaient cependant parsemées de piments, à toutes les sauces : pause pique-nique-baignade, vaisselle à l’eau de mer, paris divers -de distances, largement erronées (mais mon petit homme est très bon joueur !)- …
Et des rencontres encourageantes, dont une, le long de la mer, celle de Sonia, Irlandaise et Nickolas qui nous donna une précieuse information alors que nous lui demandions conseil pour une messe du lendemain : Corinthe, à quelques kilomètres, et sa cathédrale, Saint Paul, où il avait prêché !
Nous pédalions allègrement, heureux de mettre nos roues dans les pieds de ce personnage biblique, à la chasse à l’âme accueillante pour la nuit. Les tentatives infructueuses nous conduisirent jusqu’à l’église Saint Georges, où les vêpres allaient commencer. Nous rencontrions alors Père Paul, prêtre orthodoxe, et sa sœur, parlant le français ! Une petite salle paroissiale et ses moustiques nous étaient délicieusement proposés !
Tout joyeux, après le café grec offert, nous dévalions, ce dimanche 19 septembre, la rue vers Corinthe et sa coupole. Tous les offices religieux en Grèce commencent à 7h00 (avec les matines) pour s’achever vers 10h00… Il était courant d’arriver à « toutes heures ». La célébration, malheureusement incompréhensible pour nous, fut rythmée de signes de croix et de psalmodies priantes. Nous communions aux deux espèces, à la cuillérée de pain mélangé au vin. Ressourcés de cette nourriture divine, nous avancions sous le soleil de Grèce.
Ce pays n’est décidément jamais plat, mais ô combien nous nous régalions de tant de beauté. En chemin, nous rencontrions un pèlerin allemand à bicyclette, se rendant à Jérusalem également ! Nous échangions impressions, itinéraires, logistiques, puis chacun reprit sa course…
Il nous fallait désormais prendre définitivement la décision de contourner Athènes ou d’y plonger, avec ce que signifie « capitale », pour les bicycletteurs ! La consultation de la carte, en plus de quelques dissuasions, nous confirma dans le choix de… tenter la montagne, comme nous vous l’annoncions !
Ce soir-là, nous inaugurions notre première nuit en camping depuis notre départ… Et peut-être pour cause (sans le savoir cependant !) Quand on aime la quiétude, la nuit au clair de lune sans lampadaire, il devient difficile de trouver la meilleure place dans un endroit très limité…
Nous trouvions refuge tout de même aux premières loges : face à la mer, sous un pin, à côté d’une caravane résidant à l’année. Le camping se vida petit à petit de ses baigneurs ; il ne resta bientôt qu’une douzaine de chats pour fouiller nos bagages et notre voisine, qui de premier abord, avait perdu son sourire et ne comprenait pas nos salutations.
Après notre nuit sous la voûte céleste (la douceur nocturne nous le permettant encore), notre sport aquatique du matin, un téléchargement d’itinéraire sur notre GPS, notre petit rangement, nous casse-croutions les petits restes.
C’est alors que Roula, la voisine, nous apporta un immense plat de soupe de lentilles et une assiette de feta parsemée d’olives ! Repas typique grec, nous affirma-t-elle avec fierté ! Elle revint avec deux bières, de l’eau fraîche, du pain… On peut se tromper sur les apparences…
Un cœur est un cœur… et recèle nombreux trésors, même celui de cibler les péchés mignons de mon petit homme… car, comme si Dieu lui avait soufflé quelque chose, elle nous rapporta deux autres canettes de bière que nous glissions dans nos affaires.
La rencontre des cœurs grecs se faisait petit à petit, au gré de nos avancées, au rythme des paysages qui bientôt allaient se transformer. Nous quittions la mer pour rentrer dans les terres, bien vite agricoles, entre oliviers, montagnes, vergers.
Les dénivelés commençaient à se faire ressentir. Une petite pause était bienvenue, parfois autour d’un café frappé (sur lequel William et moi avions jeté notre dévolu-découverte) ou d’un coca dopant !
Pour vous raconter cette anecdote-chapelet, après avoir prié la dizaine de la « Visitation » (où je demandais au Seigneur de mettre sur notre route des « Elisabeth »),
nous nous arrêtions à un petit magasin pour consommer un rafraîchissement. Entre devinette et quelques nouveaux mots grecs à notre connaissance, nous échangions avec la gérante du mini-market qui nous prit, soit en compassion, soit en folie… Nous la saluions ; elle nous donna alors deux petits paquets de croissant ; je lui demandais spontanément son prénom et joie de l’entendre me répondre « Elisabeth » !
Qui pourrait dire que la langue est une barrière ? Le Seigneur, Lui en tout cas, se sert de tout pour nous dire qu’Il est présent en toutes choses, aussi insignifiantes mais délicates, et qu’Il nous accompagne à tous moments !
Ce soir-là, bien épuisés pour poursuivre davantage notre route et malgré les recommandations entendues, nous nous arrêtions dans un verger d’oliviers. La chienne du propriétaire voisin, qui venait de partir, n’était pas la seule alentour ! Entre les innombrables moustiques, les chiens errants aboyaient au loin.
William, avec son sens aiguisé et son empathie pour les animaux, après avoir joué avec Thésia, l’apprivoisa en un instant. Cette chienne veilla admirablement sur nous tout au long de la nuit ! Et sa protection ne fut pas vaine lorsqu’un autre chien approcha en grognant. Notre départ au petit matin fut touchant ; elle galopa de toutes ses forces jusqu’à la parcelle limitée de son territoire.
Les dénivelés de la journée étaient une grande mise en bouche pour les jours à venir. Nous passions un premier col, pour redescendre, remonter, et nous retrouver, malheureusement, au niveau 0… Ainsi en est-il de ce pays… Nous arrivions donc au dernier point de mer, voire de vies, avant nos ascensions prochaines.
Dernière halte également pour faire un plein en victuailles, vides, en baignade, en repos éventuel après ces précédentes nuits guère réparatrices… Mais c’est en fait au bout du monde grec que nous mettions pieds à terre ! Après avoir longé la côte quasi déserte, salué quelques messieurs à un café, découvert que ni magasins, ni camping n’existaient, que la tente était apparemment interdite, nous demandions aux hommes attablés à jouer s’il était possible de manger quelque chose aux alentours…
A ce moment, une voiture prit le tournant et une femme, Evi, en sortit, discuta avec l’un d’eux, puis nous fit signe de la suivre ! En ce jour de la Saint Matthieu, j’entends résonner la parole du Christ : « Suis-moi » !
Nous allions donc confiants de par une route cabossée, jusqu’en bout de crique, où un dernier restaurant faisait face à la mer, après une ribambelle d’autres guinguettes similaires. Evi en était la propriétaire. Nous lui demandions s’il était possible de passer la nuit quelque part.
Malheureusement, là, si la langue n’est pas un obstacle, se comprendre peut être fort précieux ! Tout à coup, Evi me donna son téléphone. Au bout du fil, son fils, qui, dans un bon anglais, me demanda ce que nous recherchions. Je lui soumettais alors notre situation, puis lui repassa sa maman. Sans attendre quoique ce soit, nous mangions avec grand appétit la friture fraîchement pêchée de la nuit.
En fin de repas, Anna, l’employée, m’interpella à la suivre. Elle me montra en face du restaurant une vieille caravane, me faisant signe qu’elle était pour nous si nous souhaitions y dormir ! Je lui manifestais toute ma gratitude, cela nous comblant, bien évidemment !
Un petit plongeon le long des calanques, une fin d’après-midi reposante, un brin de partage multi-langues, un massage sur les tempes douloureuses d’Evi et, par l’intermédiaire de son fils au téléphone, la proposition de rester le temps que nous souhaitions. Un jour de repos avant d’attaquer l’ascension n’est-il pas mérité ?… Nous acceptions donc cette gentille invitation, et profitions de ces heures paisibles, en ce coin perdu du monde.
Nous rencontrions ce soir-là deux charmantes personnes, Petrus et Syran, Grec et Arménienne, qui nous inclurent à leur table, leur discussion, leur voyage de vie ! Un pur instant de bonheur, arrosé d’ouzo… et des cœurs ouverts à souhait, lumineux et prêts à nous accueillir chez eux, si notre chemin avait pu passer par Athènes !
Après une nuit où le vent n’avait cessé de fouetter la caravane, nous avions prévu de partir tôt en ce jeudi 23 septembre. 7h00… Le ciel, voilé de quelques nuages, laissait passer quelques éclaircies et, au milieu, la lune flottait encore. Un petit déjeuner de sportif, les dernières préparations et nous voilà prêts… psychologiquement aussi !
En route pour la première montée, les premiers changements de vitesses. Et là, crac ! Mon dérailleur, semble-t-il… William tente de cibler le problème mais la panne semble délicate à réparer. En mon for intérieur, ce murmure : « Que rien ne te trouble… » Puisse notre cœur n’accueillir que la volonté de Dieu en toutes circonstances… On démonte donc les sacoches sur les bas-côtés de cette rue, commence à regarder de plus prêt.
Un fourgon s’arrête alors avec une voix de femme dans un anglais à « fort » accent et nous lance : « Can I help you ? » (Puis-je vous aider ?) Je fixe l’immatriculation et m’écrie : « C’est une Française ! »
On explique rapidement la situation à Amira, sillonnant, seule avec son chat, la Grèce et le monde. Pour le « bémol », cela faisait 3 fois qu’elle passait et repassait dans cette rue, pour y trouver d’un village à l’autre du gasoil…comme si elle passait la quatrième fois, là, exactement pour nous !
Elle me proposa de m’emmener chez nos hôtes pour m’enquérir d’un éventuel réparateur-vélo ou « quelque chose » de ce genre dans ce trou perdu ! Un voisin venu, de bon matin, aider Evi nous prêta ses compétences de mécanicien… Au bout de plus d’une heure, mon vélo était « en état »…
Amira nous offrit le thé, en faisant « salon », assis sur la route. Joie d’échanger, en français, de tout, de nos itinéraires convergents, à savoir Villia (village au-delà des deux premiers gros cols), de sa liberté d’être, et de sa proposition à embarquer nos bagages jusqu’à cette bourgade.Cela fut accueilli comme « envoyé du ciel ». Rendez-vous en haut du premier col pour refaire nos forces !
Nous entamions donc notre ascension vers 11h00, dans la chaleur mais la légèreté et l’action de grâce des enfants de Dieu… à qui, (je vous avoue humblement…) la veille, j’avais confié que, s’Il le voulait, Il pouvait nous envoyer un camion pour nous prendre !
A mesure que la mer se dessinait au loin, que nos mollets s’endurcissaient au pourcentage de la montée, que la sueur dégoulinait dans notre dos et que mon chapelet s’égrainait, nous ne pourrions dire ô combien nous rendions grâce à Dieu d’être libérés de notre chargement ! Au détour d’un virage, dans le creux des arbres, Amira apparaissait de la taille d’une demi-allumette.
Toutes les astuces étaient bonnes pour adoucir les dénivelés : pédaler en zigzags, ne pas relever la tête du sol, nos sourires mutuels pleins d’amour, prier… Les klaxons venaient fréquemment nous encourager. Un passage se corsait. Sagement, on mit pied à terre et poussait…
Nous avions gravi plus de la moitié de la distance. Un vieux monsieur s’arrêta à ma hauteur, me parla et fit un signe. Je ne fus pas sûre de le comprendre et avec surprise refis les gestes : « Nos vélos, et nous, dans la remorque ? » Il hocha la tête… Un regain de force nous traversa tout à coup pour charger vélos et remorque dans le coffre de son 4X4 ouvert. Si quelques âmes douteraient encore de Dieu, qu’elles viennent nous rejoindre !!!
Nous atteignions donc ce premier sommet bien plus vite que pensé ! Amira avait préparé le déjeuné, qui, tel le panorama choisi, excellait en qualité : mer, montagne… Pause invraisemblable, avant de nous élancer pour la deuxième étape. Le vent de face se chargea de corser notre cadence, certes déjà faible. Le ciel devint menaçant et, avec l’altitude, les températures diminuèrent rapidement.
C’est à peine si nous savourions la descente pour l’entrée à Villia, tant nous étions étourdis et refroidis par le balayage du vent. En attendant Amira, restée dans la pinède jusqu’au retour de son Machito de chat, nous prospections pour notre nuitée.
Incompréhension, refus, église sans prêtre sur place, mairie sans maire… Mais comme Amira nous avait proposé la formule de secours dans son camping-car, peut-être n’y avions-nous pas mis la motivation nécessaire. Après avoir trouvé une place légèrement retirée du village, nous festoyions tous les trois.
Et ce n’est pas trop dire ! Purée de carottes fraîches, travers de porc, tzatziki… et un petit « caramelo » (non, ce n’est pas une sucrerie, c’est un vin blanc délicatement sucré). L’improvisation d’un lit pour mon petit… grand homme fut moins marrante ! Je pense qu’il passa la pire des nuits depuis notre départ, allongé sur deux sièges, au milieu desquels le boîtier de vitesses. Mais grâce d’avoir été à l’abri de ce grand vent de montagne, des chiens errants et de l’éclat lumineux d’une pleine lune !
Après un petit déjeuner de rois, nous quittions notre ange de ces heures partagées. Amira poursuivait sa route ; nous, la nôtre, direction Thiva avec la joie d’un col, peut-être légèrement plus en douceur, mais ô combien plus en longueur… Notre compagnon de route, monsieur le vent, n’avait décidément pas changé sa trajectoire. Il était parfois cependant assez fort pour changer la nôtre. L’arrivée au sommet du col fut telle une petite victoire.
Sous le ciel gris, une plaine à perte de vue, clairsemée de collines, oliviers, fermes, puis la zone industrielle de Thiva. Nous atteignons cette ville tout en dénivelés (elle avait souffert sept tremblements de terre), en milieu d’après-midi, épuisés. Le petit mot destiné au maire, précieusement gardé, nous sembla être la solution de secours du moment.
Mais voilà : 16h00 avaient sonné. Une jeune femme de ménage nous expliqua derrière la porte en verre de la mairie qu’elle fermait à 15h00. Je lui dépliais tout de même mon mot. Elle nous pria d’attendre. Au bout de 10 minutes, elle revint, nous demanda de patienter jusqu’à l’arrivée d’une femme, qui ne tarda pas. Vaso (responsable athlétique de la ville) et son mari, Sotiris (banquier, entraîneur de basket et peut-être le maire ?) avaient quitté leurs activités pour nous accueillir en nous souhaitant une sincère bienvenue.
En l’espace de quelques minutes, accompagnés d’un professeur de sport, Peros, ils déployèrent toutes les énergies pour trouver des clés, nous conduire jusqu’à une sorte d’hôtel de jeunesse à 3 km, (où seuls des sportifs semblent séjourner de temps à autre), nous montrer un magasin de vélos (et nous présenter au gérant) pour contrer aux réparations nécessaires, nous indiquer une taverne -où nous devions nous annoncer de leur part-.
Perdus au cœur de la pinède, Dieu allait nous faire reposer… deux-trois jours si nous le souhaitions, selon les mots de Peros, lorsqu’il me remit les clés. Nous nous sommes, ce soir-là, éteints avec le coucher du soleil, ou plutôt sous une forte pluie. William n’eut même pas le loisir de se rendre compte de ce dont nous étions épargnés. Il ferma les yeux tout habillé, il était à peine 19h30. Une douche froide, quelques rangements et je m’endormais dans le moelleux de draps confortables, louant doublement le Seigneur pour cet abri, bien au sec !
Et oui… un « simple » petit mot, tel un tour de magie sorti d’un chapeau, ou plutôt, une bénédiction, donnée par l’intermédiaire d’une femme, nommée… Marie !
La matinée du samedi 25 septembre passa à vive allure ; nous avions même dépassé le tour du cadran, tant la fatigue s’était accumulée. Au cours de l’après-midi, Peros, accompagné du réparateur-vélo, vint toquer à notre porte. Il s’étonnait que nous ne soyons pas passés au magasin la veille au soir.
Après avoir jeté un œil à la bicyclette de William, il suggéra de se retrouver là-bas, pour remédier à tous nos petits tracas. Une heure plus tard, mon homme revenait avec un vélo remis à neuf et les pièces changées, tout cela… gracieusement ! Ou, et, « grâce à Dieu » !
Inouï, indicible… Cela a goût de « redondance », me direz-vous peut-être ! Cela a surtout goût d’un Dieu d’Amour, je crois… A la question de William au cours de ce week-end : « Qui sommes-nous pour mériter tout cela ? », je n’eus d’autre réponse que celle-ci : « Les enfants bien-aimés d’un Père infiniment bon, qui nous aime par-dessus tout » !
Le dimanche étant le seul jour désormais où nous pouvions aller à la messe, nous ne réfléchissions pas pour rester. Nous nous élancions au petit matin de ce premier jour d’une nouvelle semaine, à la recherche d’un petit clocher. Une célébration englobant à la fois la Parole, l’euharistie, la commémoration des 40 jours après le deuil d’un être, des baptêmes…
Nous étions là, simplement en présence de ce Dieu qui se donne, qui donne. A la sortie, un monsieur handicapé semblait bien plus gâté en offrandes que nos mendiants de France, quêtant sourires, piécettes, dignité… De l’autre côté, un sachet de fruits secs et une brioche étaient distribués à tous les fidèles, venus s’associer à la mémoire de l’être défunt.
Nous profitions de ce moment ensoleillé pour sillonner les rues de Thiva, au creux de ce temps suspendu, sacré du dimanche. Puis, l’heure du repas et le « pourquoi pas aller à la taverne juste en bas de chez nous ? » Nous découvrions un endroit, en bout de route, où en plus de la nourriture du corps, celle de l’âme était dispensée. En effet, enveloppée d’un manteau de pins, à deux mètres de ce petit restaurant, une église était cachée.
Nous prenions place dans ce petit coin perdu, à une heure bien française pour manger… (15h00 doit plutôt correspondre à l’horaire grec). La chapelle commençait à s’animer : un baptême allait être célébré. Le choix de notre repas s’arrêta aux deux premières énumérations du gérant ; manger autre chose que poulet-frites allait couronner notre jour de fête. Une côte de bœuf et d’agneau avec petits légumes ! Vive les bons petits plats à la « française »… Gourmets, en fait, et fins gastronomes les French… Bon, il faut dire que les snacks sur les bords de nos chemins ne sont guère variés, ni raffinés… ! Inutile de préciser que la gourmande que je suis pense souvent aux délicats plats et desserts de sa maman…
En allant régler la note alors que je me présentais, comme convenu, venant de la part de Sotiris, le gérant me reprit la facture et me salua… Nous étions abasourdis par ce qui nous arrivait. Savoir-vivre, délicatesse, ou grâce divine à travers ces anges ?!
Nous quittions Thiva, en ce 27 septembre. Je remercie tout chaleureusement d’ailleurs ceux qui ont eu une pensée ou plus à mon attention en ce jour… et quel jour ! Je m’en souviendrai ! Je crois que ce fut le plus « éprouvant » depuis notre départ ! La route nous mena très rapidement à l’autoroute… Il fallait donc aviser, trouver la « nationale »… Contournement, détour, puis une route, longeant l’autoroute, puis un vague chemin de graviers, puis des travaux.
Les ouvriers nous garantissant que la voie continuait, on s’y élança, confiants… Le paysage était presque désertique : collines pelées, montagnes arides, quelques biquettes en contre-bas, un lac, une autoroute et… personne, ni maison, ni ferme, rien… que nous !